samedi 10 mai 2014

L'appel d'offres de la mairie sur internet: passage à la loupe et à la moulinette.



Voici une analyse serrée de l'appel d'offres passé par la mairie de Draveil en mai 2013. C'est un article long, mais dépourvu de tout jargon technique qui vous amènera un à très bon niveau de connaissance de ce dossier.

L'analyse critique de cet appel d'offres montre que:

1) la mairie de Draveil s'y est prise au dernier moment et a fait pression sur les opérateurs pour qu'ils finalisent le projet avant les élections. 
C'était tout bonnement impossible en s'y prenant si tard et en partant de "zéro travail préalable". 

2) "on" est allé au plus bas de gamme. C'est-à-dire que la mairie n'a pas respecté les prescriptions de l'ARCEP -l'autorité nationale en charge de ces questions - qui recommande de prévoir "un peu large" pour les besoins futurs, une réserve qui ne surenchérit que très peu les chantiers.

3) la mairie de Draveil a travaillé "à la hâche": pas d'études préalables, pas de prise en compte des nouvelles possibilités technologiques.

Attention, cet article est long et malgré le soin pris à vulgariser le sujet, il n'est pas accessible à tout le monde. Mais si vous prenez la peine de le lire, il vous éclairera grandement sur la manière dont travaille la mairie de Draveil sur les sujets importants de la ville.





Commençons par quelques considérations sur les promesses de la mairie (la fibre optique bientôt), ensuite nous verrons les détails de l'implantation des nouveaux dispositifs. Et nous finirons par la question qui tue: quand le "nouvel internet" sera-t-il disponible à Draveil ? Désolé, ce ne sera pas septembre comme la mairie l'avait promis.

1-la fibre optique, ce n'est pas pour demain.

Sur ce sujet, la mairie de Draveil n'a cessé de changer de discours depuis 2 ans. La fibre optique "dès 2013", puis "la ville sera couverte à 85% en 2015", puis "SFR ne veut pas investir avant 2018", 2020...A chaque numéro de Vivre à Draveil une nouvelle version, un nouveau budget, une nouvelle annonce...Et dans la communication électorale ceci :

"A la dernière réunion de quartier organisée par le Maire, celui-ci a affirmé que la fibre optique sera installée par les opérateurs à Draveil à compter de 2014. Progressivement, de 2014 à 2018 la fibre optique se déploiera sur toute la commune. C’est une bonne nouvelle !"

Ce qui bien entendu, ne sera pas le cas. Expliquons.

1-a) les projets menés par la mairie sont incompatibles avec le déploiement de la fibre optique à court ou moyen terme.

Ce n'est pas une opinion mais tout simplement les prescriptions de l'autorité en charge de ces questions: l'ARCEP, ou Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes.


Logique. Quand on dépense maintenant pour une amélioration du débit, ce n'est pas pour investir dans une autre technologie deux ans plus tard. 

1-b) l'amélioration de "l'ancienne technologie" (le cuivre) repousse au loin les investissements dans la fibre optique.

Avec le projet de la mairie, les installations de Draveil auront été rénovées. Mal rénovées, mais rénovées. Aussi bien du côté des collectivités publiques que des opérateurs économiques, il n'y aura plus de pertinence à faire ce qui a été fait dans les villes voisines: un réseau d'initiative publique de fibre optique.

Les investissements réalisés aujourd'hui "ne feront pas de petits"



MED = Montée En Débit. La "sous-boucle" = les équipements près de chez vous.



1-c) Oui mais SFR investira en 2018 à Draveil ! Vraiment ? Rien n'est moins sûr...

Dans le cadre du programme national très haut débit, SFR a manifesté une intention d'investissement à l'horizon 2018". Attention, cette intention ne signifie en rien engagement, et les élus - ceux qui ne se contentent pas de déclarations -doutent....


En supposant même que cette intention se concrétise, c'est donc 2021,2022 au plut tôt pour la fibre optique. Dix ans après Soisy-sur-Seine. Et si vous avez lu le paragraphe précédent ("les projets de la mairie retardent l'implantation de la fibre"), la probabilité pour que Draveil se range très durablement parmi les cancres du département est très grande.
Clairement, les villes qui obtiendront à court ou moyen terme la fibre optique jusque chez l'habitant sont les villes dont les élus "se bougent". Il y en a partout, dans les grandes villes comme dans les petites communes. Et même les maires ruraux, très actifs dans ce domaine:



A Soisy, Yerres etc...ce ne sont pas de vagues engagements du type "peut-être un jour, si Dieu veut, si ça nous tombe tout cuit" mais des projets réalisés en 2013.




Voici un autre indice très probant qui nous montre que la mairie sait pertinemment que la fibre optique à Draveil c'est...très loin.

 


La mairie passe un appel d'offre pour de nouvelles installations, mais aussi pour un contrat de maintenance renouvelable 9 fois. On envisage donc qu'elles seront là pour, éventuellement...10 ans. 
Aujourd'hui -septembre 2013 -la mairie de Draveil a trouvé une société pour installer les nouveaux dispositifs.. mais pas d'entreprises pour en assurer le suivi et la maintenance. Peu d'entreprises se sont formées à ces solutions (les PRM), la plupart se sont orientées vers la fibre. Cela va devenir rapidement un problème.

Donc la fibre optique à Draveil, ce n'est pas pour demain. Ni après demain. La mairie a tout simplement oublié de travailler sur ce dossier essentiel et bricole un truc de dernière minute avant les élections. Ce que vous lisez dans le journal municipal, ce que disent Monsieur le Maire et ses disciplinés adjoints, c'est un mensonge.

2-le principe de l'offre choisie par la mairie.

La municipalité de Draveil a décidé d'améliorer la couverture ADSL par le réseau cuivre en s'appuyant sur ce que l'on appelle l'offre PRM de France Telecom". En très gros, au lieu de n'avoir que du fil de cuivre entre votre box et le NRA de Vigneux (le dispositif qui sert l'internet)   on "intercale"  un PRM(Point de raccord mutualisé) que, pour simplifier, nous appellerons NRA de quartier

Le NRA principal et celui de quartier sont reliés par de la fibre optique; entre ceux deux dispositifs il n'y a donc quasiment plus d'atténuation du signal, il arrive donc "plus fort" près de chez vous.

Reste le cuivre entre ce dernier et chez vous. Moins de longueur de cuivre = meilleur débit.




L'offre PRM donc. L'ambition de la ville est de fournir à l'ensemble de la population un débit d'au moins 2Mbits/s. Wahoou! C'est trop, Monsieur le Maire, qu'allons-nous faire de tant de bande passante !

Draveil :


en pratique, un nombre important de foyers aura plus que 2 Mbits. Mais....

A deux pas de chez nous, on a écarté d'emblée toute initiative relevant du bricolage:




3- le détail du projet de la mairie.

On l'a dit, votre ligne téléphonique est reliée au NRA de Vigneux par du fil de cuivre, et plus vous êtes loin du NRA, plus votre débit est faible. Au-delà de 2 km de fil de cuivre, le débit baisse drastiquement.



En fait, c'est un tout petit peu plus compliqué: votre ligne n'est pas directement reliée au NRA mais à une petite armoire de quartier, qu'on appelle le sous-répartiteur. C'est lui qui est relié au NRA. Ces sous-répartiteurs ont des noms exotiques (VIG060 etc...) pour simplifier nous allons les appeler par le nom de la rue où ils sont implantés: Daudet, Brossolette, etc...


En vertBrossolette et Mory font l'objet des attentions fermes de la mairie: ils bénéficieront des nouveaux équipements. 
En rouge, on ne sait pas encore: soit les 4 entourés en rouge (+ éventuellement 2 autres) seront reliés à un seul dispositif installé près du pôle commercial de Danton, soit chaque point disposeraindividuellement d'un NRA de quartier.


Pour le sud de Draveil, seule la solution B (Versant, Daudet et Ermitage équipés individuellement en "NRA de quartier") réduit considérablement la longueur de fil de cuivre entre l'émetteur et le récepteur et donc apporte une amélioration réelle et durable.
Elle permettrait également de desservir à peu près convenablement LE site public du quartier: l'école.

Notons cette étrangeté: engagement ferme pour les quartiers Nord-Est , les plus proches du NRA de Vigneux (900 lignes téléphoniques très mal desservies), optionnel pour le Sud (plus de 1600 lignes): Versant, Daudet, Ermitage....
Voyons ce qui a été fait à Yerres:


A Yerres, on a commencé par les quartiers qui avaient été jusque là les moins gâtés. C'est le cas dans de nombreuses villes. 

4- Des "solutions", des méthodes de travail qui soulèvent beaucoup de questions.

4-a)-encore un dossier important expédié au pas de charge.

La mairie insiste pour que les "NRA de quartier", initialement promis en septembre 2012 soient installés avant les élections municipales :






Le problème est  qu'un projet d'infratructures numériques, ce n'est pas rien. Le délai minimum de réalisation d'un projet PRM , c'est au moins 12 mois, et parfois beaucoup plus si des difficultés se présentent. En clair, la mairie s'y prend à la dernière minute mais veut quand même que tout soit prêt pour les élections.
La mairie s'est réveillée en décembre 2012. La solution technique qu'elle a choisie est au catalogue de France Telecom depuis juin 2011. Un an et demi sans rien faire. Rappellons que dans la ville la plus proche (Soisy), le projet de fibre optique a été lancé en 2009.

Le délai de réponse des candidats au marché a d'abord été fixé au 29 avril (vite! vite! Répondez!), puis au 17 mai...puis au 31 mai 2014. Scepticisme des opérateurs, qui posent des questions à la mairie: 

heu...l'ensemble du  projet bouclé d'ici au 31 mars ? 

Réponse :bon...il faudrait au moins que quelques sites soient prêts au 31 mars 2014, ceux de Brossoletteet Mory. Le sud de la ville...on verra.



Les délais, c'est 30% dans le jugement des offres! Pour un sujet aussi technique, seuls le coût et la qualité de la prestation devraient intéresser la mairie de Draveil. Ce qui les a intéressé, c'est " on s'y prend au dernier moment mais faut faire quelque chose avant les élections".

La mairie insiste lourdement là-dessus dans ses échanges avec les candidats. Elle prévoie même une pénalité de 500 euros HT/jour en cas de retard, soit au moins le triple de ce qui se qui se fait normalement (lien vers la  clause contractuelle)

Pression sur les opérateurs techniques pour des motifs électoraux = risques importants de réalisation bâclée ou à minima. 

J'ai consulté une dizaine d' appels d'offres pour la montée en débit (Villes de Beaucaire, Saint Pavace, Champagnier ,conseil général du Jura, agglomération des Monts de la Goele etc etc etc...), ils confirment cette analyse: toutes les collectivités étudiées insistent sur la valeur technique puis le prix, pas sur les délais.

En outre, la mairie s'est épargnée l'étude d'impact pourtant fortement préconisée par l'ARCEP lorsque l'on monte ce genre de projet, et y a substitué l'exigence la plus minimale qui soit: "bon, si on a au moins 2 Mbits, ça ira".On écrira dans Vivre à Draveil qu'on a bossé comme des dieux, qu'on reçoit des milliers de lettres de remerciements, que Draveil est, décidement "une ville bien gérée", et hop, c'est réglé.



4-b)- projets à minima =pas de garantie d'avoir un bon service, ni aujourd'hui ni demain.

Nous avons vu que la mairie étudiait deux possibilités pour toute la partie sud de la ville: toutes les armoires de quartier (Delacroix, Versant, Daudet, Ermitage) disposant chacune de son "nouvel internet haut débit", ou bien tous les 4 (voire 6) regroupés sur le même NRA de quartier. Dans cette deuxième hypothèse, il est très possible que les habitations situés à plus de 2 km de fil de cuivre de Danton-ça fait pas mal de monde -ne puissent même pas bénéficier des offres Triple Play dans leur forme actuelle. Inutile de parler de celles de demain.





note: les "multiplexeurs" sont des dispositifs utilisés pour rallonger les lignes, essentiellement en zone rurale...




Des arguments techniques montrent que la mairie vise le très bas de gamme et se fout royalement de savoir si les investissements d'aujourd'hui ne vont pas s'évaporer très rapidement. Nous avons vu qu'une solution "super eco" a été spécialement demandée par la mairie: un seul NRA de quartier pour tout le sud.
Notons également -c'est un point important - que, pour relier le NRA principal et les NRA de quartier, la mairie commande aujourd'hui des liaisons optiques composées de 6 paires de fibres. 



Voici ce que dit l'ARCEP dans son guide aux collectivités (novembre 2012):

"il est conseillé d'installer un minimum de 36 fibres quelle que soit la situation locale. En effet, si 6 paires de fibre doivent obligatoirement être déployées pour permettre à France Telecom d'assurer ses obligations envers les opérateurs, il est utile de déployer davantage de fibres -le coût marginal de déploiement des fibres supplémentaires étant relativement faible -afin de répondre à de futurs besoins, en particulier pour le déploiement d'un futur réseau de fibre jusque chez l'habitant et le raccordement de sites publics"

4-c)-seuls sont concernés les gens qui ont un très très mauvais débit.

L'offre PRM est normalement accessible à ceux qui sont "mal desservis" et "très mal desservis" (en termes takeutique et tékeunique: atténuation de 30db ou 50db). 


Mais, si un opérateur a simplement déclaré qu'un jour, au mieux dans 3 ans ou à la saint-glinglin il allait peut-être mettre de la fibre optique, seuls ont droit au PRM les "très mal desservis". C'est dans cette situation que se trouve la ville de Draveil. Les habitants de Draveil qui ont un débit "moyen", "moyen-moins" risquent donc de ne connaître aucune amélioration avant très, très longtemps.

4-d)- manque de travail puis précipitation = des solutions ne sont pas étudiées.

Outre l'absence d'étude d"impact et les délais trop courts imposés aux opérateurs, une nouvelle solution technique susceptible de produire de très hauts débits n'est pas étudiée. Cette technologie, le VDSL2 vient d'être validée pour une mise en service à l'automne 2013. Elle ne peut pas être utilisée dans toutes les conditions, mais quand c'est possible, elle produit des résultats très, très significatifs, de très grosses augmentations de débit sans les coûts de la fibre.


Cette nouvelle technologie serait-elle compatible avec les projets actuels (le PRM) de la mairie de Draveil ? La réponse est OUI (Ici par exemple à Maincy, en Seine et Marne). 


Mais à Draveil, cette solution n'a pas été étudiée.

Au final, l'enjeu des infrastructures numériques pour Draveil - c'est un enjeu économique, pour valoriser le territoire n'a pas été compris, une solution d'attente à été mise en oeuvre dans des conditions médiocres (précipitation avant les élections). C'est du très mauvais travail.

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